vendredi, juillet 01, 2011

DEPOSITION DE AHMED BEN BELLA APRES L ATTAQUE DE LA POSTE D ORAN

Déposition de Ahmed ben Bellaaprès l'attaque de la banque d'Oran 5 Avril 1950 : Un holdup aux allures militaires est perpétué à la grande poste d'Oran. Très vitela police identifie les auteurs (des militants de l'Organisation Spéciale, la branche armée etsecrète du MTLD) et arrête Ben Bella. Sa déposition complète (il est prolixe) est enregistrée le12 Mai 1950. L'an mil neuf cent cinquante et le douze du mois de mai, Devant nous, Havard Jean, commissaire de la police desrenseignements généraux, officier de police judiciaire, auxiliaire de M. le procureur de la République. Agissant enexécution de la commission rogatoire n°34 du 7 avril 1950 de M. Catherineau, juge d'instruction près le tribunal depremière instance de l'arrondissement de Tizi Ouzou, étant subdélégué. Assisté de l'inspecteur officier de police judiciaire Tavera René de notre service. Pour faire suite aux renseignementscontenus dans la déclaration de Belhadj Djillali Abdelkader Ben Mohamed, entendons le nommé Ben BellaMohamed qui nous déclare :Je me nomme Ben Bella Mohamed Ben Embarek, né le 25 décembre 1916 à Marnia(département d'Oran, arrondissement de Tlemcen), fils de Embarek Ben Mahdjoub et de SNP Fatma Bent El Hadj,célibataire. J'ai exercé la profession de cultivateur à Marnia. Actuellement, je suis permanent rétribué du partipolitique MTLD. J'habite Alger, chez Mme Ledru, 35, rue Auber. J'ai fait mon service militaire en qualité d'appelé au141 RIA à Marseille. J'ai fait la campagne de France 1939-1940, puis la campagne d'Italie. J'ai été démobilisé avec legrade d'adjudant en juillet 1945.Je suis titulaire de la médaille militaire avec 4 citations. Je n'ai jamais été condamné,je suis lettré en français et quelque peu en arabe. J'ai fait mes études primaires au collège de Tlemcen (EPS) jusqu'aubrevet. Mes études terminées, je suis retourné chez moi, dans ma famille à Marnia, où j'ai aidé mon père quipossédait un café fondouk et du terrain de culture. J'ai été appelé sous les drapeaux en 1937 et, comme je vous l'aidit plus haut, j'ai fait la campagne de France et d'Italie pour être démobilisé en juillet 1945. Pendant toute cette période, je n'ai pas eu d'activité politique. J'ai commencé à faire de la politique juste après madémobilisation. Je me suis inscrit aux AML (Amis du manifeste et de la liberté) mais je n'avais aucune fonctionparticulière ni aucune responsabilité. Aux élections municipales de fin 1945 ou début 1946, je me suis présenté surune liste d'union indépendante. J'ai été élu et c'est quelques mois après cela que j'ai été sollicité par le PPA pourentrer dans le parti et organiser une section politique à Marnia. J'ai organisé la section de Marnia, puis ai été chargéde prospecter la région en vue de créer partout des noyaux politiques. C'est ainsi que j'ai eu l'occasion de medéplacer à Sebdou, Turenne, Hennaya et Nemours. Je n'ai pas obtenu les résultats escomptés. Je suis resté à Marnia jusqu'au début de l'année 1948. Un mois environ avant les élections à l'assemblée algérienne(avril 1948) le chef de la région politique qui m'avait contacté m'a fait connaître que je devais aller à Alger me mettreà la disposition d'un certain Madjid. L'endroit de la rencontre, un café actuellement fermé, qui se trouve auxenvirons de Monoprix à Belcourt, le jour et l'heure m'ont été fixés. Je devais me présenter à ce café maure avec unjournal. Je ne me souviens plus exactement de quel journal il s'agissait, mais je me souviens qu'il y avait un mot depasse. C'est ainsi qu'à l'heure indiquée, j'ai rencontré Madjid. Je le voyais pour la première fois. Il m'a dit dans lesgrandes lignes ce que le parti attendait de moi. Une organisation paramilitaire, superclandestine venait d'être crééeet le parti me mettait à la disposition de cette formation. Je vous précise qu'à ce moment-là, le MTLD existait et quej'en faisais partie. C'est donc ce parti politique qui m'a mis à la disposition de cette organisation paramilitaire quiprenait le titre de l'OS (Organisation spéciale). Madjid m'expliqua en outre qu'il fallait obtenir la libération del'Algérie par la force et que seule la violence était susceptible de nous faire atteindre l'objectif. J'étais désigné pour
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2 prendre la direction de l'OS en Oranie. Partout, dans les villes, je devais créer des groupes comptant un chef et troiséléments. C'est ce que nous avons appelé l'organisation "quatre-quatre".C'est au cours de contacts successifs queMadjid m'a expliqué le détail de ma mission. Durant mon séjour à Alger, j'ai fait la connaissance de Belhadj DjillaliAbdelkader, Reguimi et Maroc. Avec Madjid, nous constituions une sorte d'état-major qui devait élaborer le plan d'instruction et de formationmilitaires. Belhadj Djillali était chargé de la rédaction des cours d'instruction militaire que nous supervisions,approuvions ou modifions en séance de comité. Quelques mois à peine, après les élections à l'assemblée algérienne,pour mettre en pratique ce que nous avions élaboré en théorie, avec le chef national Madjid et le comité d'état-major, nous avons décidé d'effectuer un peloton d'instruction à la ferme de Belhadj, au douar Zeddine, près deRouina. Nous sommes restés là sept jours au cours desquels nous avons fait des exercices de tir au "colt" et del'instruction individuelle technique du combattant. Nous disposions de deux "colts" dont l'un appartenait à Madjid,l'autre à Belhadj. J'ai commencé à organiser à Oran où j'ai désigné comme chef un certain Belhadj, employé à lamairie, au service du ravitaillement. Puis j'ai nommé à Tiaret comme responsable de notre organisation un certainSaïd, tailleur. Par la suite, j'ai organisé Relizane, Mostaganem et Tlemcen. J'ai placé à la tête de ces trois dernierscentres respectivement Benatia, conseiller municipal, Fellouh, gargotier, et un troisième à Tlemcen dont je ne mesouviens plus du nom. Je suis resté à la tête du département d'Oran jusqu'en avril 1949. J'ai été rappelé par le parti àla politique. Durant mes fonctions de chef de département, je venais assez régulièrement à Alger où j'effectuais des liaisons avecMadjid. Nous nous réunissions environ une fois par mois pour faire le point sur la situation de l'organisationparamilitaire. Je retrouvais là mes camarades de l'état-major. Ces petites réunions mensuelles duraient deux ou troisjours et à chacune d'elle nous avions le soin de fixer le lieu, la date et l'heure de la prochaine. Au sujet des armes d'instruction de mon département, elles n'ont pas été livrées par Alger, mais achetées sur place.Oran disposait de quelques revolvers 7,65, de deux colts et d'une mitraillette allemande qui, je crois, est celle qui aservi à l'attaque de la poste d'Oran. Je vous parlerai plus tard en détail de cette affaire. Pour les autres régions, je neme souviens plus de la nomenclature des armes, il n'y en avait pas beaucoup. J'ai été remplacé par Boutlelis Hamouà la tête du département d'Oran. A Alger, le parti m'a placé à la tête du CO (comité d'organisation). Ma missionconsistait en la réception des rapports des différentes wilayas d'Algérie, que je transmettais au parti. En retour,j'adressais à ces dernières les instructions données par la direction politique. Les réunions de wilaya avaient lieu mensuellement et chacun des chefs apportait personnellement son rapport. J'aiassumé ces fonctions jusqu'en septembre 1949. A ce moment-là, le chef national de l'OS, Madjid, est passé auberbérisme et le parti, en la personne de Khider, m'a chargé de m'occuper de l'OS. Durant trois mois, c'est-à-direoctobre, novembre et décembre, j'ai donc cumulé les fonctions de chef du comité d'organisation et de chef nationalde l'OS. A partir de décembre, j'ai abandonné mes fonctions spécifiquement politiques pour me consacrer àl'organisation paramilitaire. J'ai été remplacé au comité d'organisation par Saïd Hamrani. Depuis la fin 1948, le coup d'Etat berbériste était enpréparation, et peu à peu les rangs de l'OS se vidaient. Cette crise a atteint son paroxysme au moment où Madjid aété mis dehors par le parti. C'est, je crois, en juillet-août 1949. Quand j'ai repris l'OS, la situation n'était pas brillante.Alger se subdivisait en trois régions, Oran et Constantine en deux. J'ai dû supprimer cette fragmentation et les troisdépartements ne formèrent plus qu'un seul bloc. A la tête du département d'Alger, j'ai placé Reguimi Marc, aveccomme adjoint, Larbi, celle du Constantinois, Belhadj. Djillali, conservait sous mon autorité la direction des troisdépartements en ce qui concerne l'organisation paramilitaire. A la tête du service général, en remplacement de OuldHamouda, arrêté, je plaçais Yousfi Mohamed. A la suite de la démission du docteur Lamine Debaghine, l'OS a subiune nouvelle crise. Belhadj Djillali était mis en veilleuse et remplacé par Reguimi. Il était accusé de s'occuperbeaucoup plus de son commerce que de l'organisation.
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3 Alger, Oran et Constantine étaient respectivement dirigés par Boudiaf, Abderrahmane et Larbi. Maroc était rappelé àla politique. Yousfi conservait toujours la direction du service général qui s'enrichissait d'un groupe sanitaire. Je saisque le réseau complicité passait sous la direction de Ben Mahdjoub, Arab Mohamed conservant le service desartificiers. J'ignore quels étaient les responsables d'autres sections. A ce moment-là, l'OS avait la structure suivante :Un chef national placé sous l'autorité du parti. J'avais sous mes ordres un chef pour les trois départements et un chefde service général. Chaque département était placé sous l'autorité d'un responsable duquel dépendaient plusieurschefs de zones. Pour Alger, il y en avait six ou huit : pour Oran, il y en avait un, enfin pour Constantine, quatre oucinq. Tous les membres de l'OS, du chef national jusqu'au chef de zones, y compris le chef du réseau de complicité etle chef des artificiers, étaient des permanents du parti politique M.T.L.D, mis à la disposition de l'organisationparamilitaire. Ils touchaient un traitement mensuel. Les chefs de chaque département, le chef des troisdépartements, le chef du service général et moi-même percevions une mensualité de quinze mille francs, alors queles chefs de zones, le chef du réseau complicité et celui des artificiers percevaient douze mille francs par mois. Jevous ai dit qu'en ma qualité de chef national de l'OS, je dépendais directement du parti. J'étais placé sous l'autoritédirecte du député Khider. C'est à lui et à lui seul que je rendais compte de l'activité de la formation paramilitaire.C'est de lui et de lui seul que je recevais les directives et les consignes. Aucune décision grave, aucune réformeimportante n'était prise sans en référer au député Khider. C'est d'ailleurs lui, qui, chaque mois, me remettait lesfonds nécessaires à la rétribution des permanents de l'OS. Nous avions l'habitude de nous rencontrer une fois parmois, soit place de Chartres soit au 13 de la rue Marengo, soit dans un autre endroit quelconque. Il est évident queje le voyais d'autres fois à la permanence politique, mais pour l'OS, les contacts étaient mensuels. Aux différents casque je lui soumettais et suivant leur importance, Khider les tranchait immédiatement ou me demandait un temps deréflexion. Je suppose donc qu'il sollicitait quelquefois l'avis du parti. Je veux maintenant vous expliquer les conditions dans lesquelles l'OS a été créée. Dans le M.T.L.D, comme dans tousles partis politiques, il y a ce qu'on appelle les détracteurs. Il y a les réfléchis, les pondérés, les exaltés, les violentsqui trouvent qu'on n'en fait jamais assez et qui nous disaient que la libération du territoire national n'allait pas assezvite. C'est dans cette atmosphère et pour faire face au discrédit que le parti a décidé, pour montrer sa force et savolonté d'action, de créer une organisation paramilitaire. Cette formation, qui avait pour but la libération del'Algérie, ne devait intervenir qu'en cas de conflit extérieur avec la France ou de conflit intérieur grave. Et c'esttoujours sous la pression des perturbateurs et pour céder à leurs exigences que certains actes de violence ont étécommis. Parmi eux, je citerai le cas de l'attaque de la poste d'Oran. Je vous le dis immédiatement, il s'agit d'un coupde force exécuté par l'OS. Après le départ de certains éléments troubles tels que Madjid, par exemple, et à la lueurde l'expérience acquise, il était avéré que l'OS n'était pas viable. Le parti avait décidé de la supprimer. C'est ainsi quepeu à peu, les éléments et les permanents qui étaient rappelés à la politique n'étaient pas remplacés. L'ordre formelavait d'ailleurs été donné à tous les élus M.T.L.D qui avaient été mis à la disposition de l'OS d'avoir à réintégrer leparti. A plusieurs reprises, je vous ai parlé de l'attaque à main armée perpétrée contre la poste d'Oran. Je viens de vousdire qu'il s'agissait d'une manifestation de l'OS, que ce coup de force avait été tenté pour satisfaire aux exigences destrublions politiques du M.T.L.D. Je vais donc par le détail vous dire tout ce que je sais sur cet attentat. Au début del'année 1949, le M.T.L.D. subissait une crise financière assez aiguë et cela s'ajoutait aux tiraillements politiques. Je nepeux pas vous dire absolument si c'est Madjid qui était à ce moment-là le chef national de l'OS ou bien le députéKhider, qui a imaginé ou conçu ce coup de force. En tout cas, ce que je puis vous affirmer, c'est qu'ils étaient aucourant des faits, et que cette affaire n'a pas pu se réaliser, à condition que ce soit Madjid qui l'ait conçue, sans enconférer à Khider. D'ailleurs, par la suite, lorsque j'étais chef national de l'OS, les conversations que j'ai eues avecKhider m'ont démontré qu'il était parfaitement au courant des faits. C'est au cours d'une réunion de l'état-major del'OS, à Alger, que Madjid nous a fait connaître l'intention du parti d'attaquer la poste d'Oran, pour se procurer del'argent. Il m'a chargé de trouver sur place, à Oran, un local où nous pourrions en toute quiétude mettre sur pied leplan de réalisation d'une telle opération. Dès le début, nous avons désigné pour l'exécution Bouchaïb, deTemouchent, qui devait diriger l'expédition, Fellouh, de Mostaganem, Kheder, le chauffeur d'Alger, tous trois
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4 membres de l'OS. Cette équipe devait être complétée par trois ou quatre éléments supplémentaires choisis parmiles membres de l'OS ou des maquisards. Ces grandes lignes arrêtées, il était convenu que l'affaire se ferait au débutdu mois de mars et que Madjid viendrait à Oran, une quinzaine de jours avant, pour le montage définitif. Je suisrentré à Oran et j'ai immédiatement songé à utiliser le local dont le parti disposait, 1, rue Agent Lepain, à Gambetta,et j'en ai avisé Madjid. Il est arrivé vers le 20 février à Oran et a logé au local. J'ai omis de vous dire qu'il était accompagné de Khider. Ils ontété rejoints par les permanents Bouchaïb, de Temouchent et Fellouh de Mostaganem. Trois maquisards sont arrivésd'Alger quelques jours après. Je suppose qu'ils ont été désignés par Ould Hamouda, qui, à l'époque, devait être chefdu réseau de complicité, par sa qualité de chef du service général. Ils ont certainement été reçus à la gare d'Oran parBouchaïb qui les a conduits au local de la rue Agent Lepain. Comme cela est de coutume chez nous, ils devaient trèsprobablement avoir un mot de passe et un journal, signe de reconnaissance. Je dois vous dire que c'est Madjid quidétenait les fonds nécessaires à la nourriture et qu'ils faisaient eux-mêmes leur popote. A cette époque, le partim'avait rappelé à la politique. J'avais déjà pris mes consignes à Alger et j'étais en train de passer celle de l'OS, dudépartement d'Oran à Boutlelis Hamou. Je ne pense pas que ce dernier à ce moment fût au courant de cettepremière affaire. Pour ma part, il avait été décidé que, deux ou trois jours avant le coup, je devais me créer un alibien allant me reposer dans ma famille à Marnia, puis le lendemain de l'attentat me rendre à Alger pour y rencontrerMadjid. Environ six jours avant l'attaque de la poste, avec Madjid et l'équipe, nous avons tenu une réunion pourexhorter les exécutants à faire ce que commandait le parti. Pour cette réunion, Madjid et moi avons revêtu descagoules noires du groupe de l'OS, d'Oran. Elles nous arrivaient jusqu'à mi-corps, nous étions assis dans la grandepièce centrale, face à la porte dissimulant nos pantalons par une couverture. C'est Bouchaïb qui nous a fait rentrerdans ce local et c'est lui qui a introduit les éléments, alors que nous avions la face voilée .C'est Madjid qui a pris lepremier la parole. Il s'est adressé à l'auditoire en langue arabe et a dit en substance : "Le parti a besoin d'argent,vous avez juré de lui obéir et il compte sur vous pour exécuter fidèlement la mission qui vous a été confiée."Il aexpliqué succinctement qu'il s'agissait d'attaquer la poste d'Oran pour se procurer l'argent de la caisse de la recette.Il a ajouté que les détails complémentaires seraient fournis en temps utile par Bouchaïb. J'ai ensuite pris la parole enlangue arabe pour confirmer ce qu'avait dit Madjid. Ici, je vous dois une explication. Dans les conversationspréliminaires avec Madjid, il avait été décidé d'utiliser un taxi volé à son propriétaire. Madjid avait minutieusementétudié les détails de tout cela. Comme il avait été convenu, je me suis rendu à Marnia. L'opération, autant qu'il m'en souvienne, avait été fixée pour le 3 ou le 4 mars. Dès cette date écoulée, j'ai pris letrain à destination d'Alger où j'avais rendez-vous avec Madjid. Je l'ai effectivement rencontré et il m'a expliquécomment l'affaire n'avait pas réussi du fait d'un mauvais fonctionnement de la voiture restée en panne à proximitéde la poste. Quelques jours après, l'état-major de l'OS s'est réuni et nous avons décidé que cette affaire seraitreportée au 4 ou au 5 avril 1949. Je suis retourné à Oran, où je devais terminer de passer mes consignes à Boutlelis.Madjid m'a rejoint vers les 23 ou 24 mars, et comme précédemment, il a logé au local de la rue Agent Lepain. Là, il aretrouvé les éléments, c'est-à-dire Bouchaïb, Khider, Messaoud Soudani, qui était permanent rétribué du parti, chefde zones d'Oran centre, un certain X de Palikao, qui avait remplacé Fellouh et deux des trois maquisards de lapremière opération, le troisième ayant, je crois, rejoint Alger. Cette fois, je n'ai pas paru au local. Je prenais contactavec Madjid à l'extérieur. Il avait été décidé que le coup se ferait le 5 avril au matin et comme la première fois, ondevait utiliser un taxi volé. Pour ma part, je devais rejoindre Alger deux ou trois jours avant la date et revenir à Oranpar le train de jour qui arrive à quinze heures. Madjid, lui, devait rentrer à Alger la veille, en prenant le train qui part d'Oran à vingt-deux heures environ. Cesconsignes ont été scrupuleusement respectées et le 5 avril vers 13h je suis arrivé à Oran. A la sortie de la gare, j'airencontré Soudani qui m'a mis au courant du déroulement de l'affaire, me signalant qu'il avait été impossibled'utiliser un taxi, les chauffeurs étant très méfiants et qu'ils avaient dû user d'un subterfuge en se servant d'undocteur et de sa traction avant. Il m'a dit que l'argent se trouvait dans le local. C'est par le journal du soir Oran-Soirque j'ai connu le montant du vol et appris certains autres détails. Je devais reprendre le train du soir pour rendre
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5 compte de ma mission à Madjid. J'ai pris contact avec Boutlelis que j'ai mis au courant des faits, le chargeant en saqualité de chef de département de veiller à la sécurité des éléments qui avaient perpétré le coup, et au moment duvol. Vers 17h30, ce même jour, j'ai vu Soudani et je lui ai dit de prendre contact avec Boutlelis, duquel il recevrait desinstructions ultérieures susceptibles de parer à toute éventualité. Dès le matin, j'étais rentré à Alger par le train de laveille, au soir, j'ai pris contact avec Madjid auquel j'ai rendu compte de ma mission. Là, se terminait mon rôle. Par lasuite, j'ai appris par Madjid lui-même que l'argent avait été transporté chez Boutlelis où le député Khider devait enprendre livraison. Ce fait m'a été confirmé par lui-même au cours de discussions et de conversations que nous avonseues alors que j'étais responsable du CO, puis chef national de l'OS. Le produit du vol a été entièrement versé auM.T.L.D. par Khider, la somme d'argent découverte chez Kheder le chauffeur représentait un prêt consenti par l'OSpour lui permettre de monter un garage personnel. Je ne vois rien d'autre à vous dire sur l'affaire de la poste d'Oran.Si par la suite il me revenait certains détails, je ne manquerai pas de vous en faire part ou de les dire au juged'instruction. A l'instant, il me souvient que c'est Madjid, avant de prendre le train à destination d'Alger, qui atéléphoné ou qui est allé voir la femme du docteur. Les armes utilisées pour perpétrer l'attentat contre la posted'Oran appartiennent toutes à l'OS de cette ville. S.I. (Sur Interrogation)- La somme d'argent que vous avez trouvée dans ma chambre, soit deux cent vingt-trois millefrancs, se décompose comme suit : trente-huit mille francs m'appartiennent en propre, dont quinze mille francs dema permanence du mois en cours. Le reste représente la Caisse de l'OS, constituée en partie par des cotisations etles dons et en partie remises par le député Khider. S.I. - Le revolver P 38 de marque allemande que vous avez découvert dans la poche de ma canadienne dans machambre est une prise de guerre de la campagne d'Italie. S.I. - La fausse carte d'identité, l'extrait de naissance au nom de Mebtouche Abdelkader, né le 9 mars 1919 que vousavez trouvés dans ma chambre m'ont été remis par le député Khider et ce, dans les conditions suivantes : quelquetemps après l'attentat perpétré contre la poste d'Oran, la police est allée me chercher à Marnia, à mon domicile.Mes parents m'ont averti. C'est alors que j'ai demandé à Khider de me procurer de faux papiers. A sa demande, je luiai remis deux photographies et quelques jours après, il m'a donné les papiers que vous avez découverts. S.I. - Je ne peux vous donner aucune indication sur les maquisards, je sais seulement qu'il y en avait deux, hébergésdans la région de l'Alma, un dans la région de Cherchell, un en Oranie, dans la région de Saint-Cloud et deux dansOran-ville ou aux environs immédiats. Pour ces trois derniers, je pense qu'Abderrahmane, actuellement chef de l'OSdu département d'Oran, pourra vous dire exactement où ils se trouvent. Quant à Bouchaïb et Soudani, depuis l'affaire d'Oran, je ne les ai plus revus. Je ne me souviens du signalement qued'un maquisard. Je l'ai aperçu alors que j'étais en cagoule. Il semblait être âgé d'une trentaine d'années, très brun, lenez épaté, petit et trapu. Lu, persiste, signe, signons. Et de même suite, disons que Ben Bella nous déclare : Aux mois de mars et d'avril, non : en avril seulement, pourl'attentat de la poste d'Oran, je me suis créé un alibi en passant la nuit qui a précédé cet attentat à l'hôtel duMuguet, à Alger. Lu, persiste, signe, signons. Copie certifiée conforme Le greffier Signé : illisible* Il s'agit en fait d'Ahmed Ben Bella. Texte reproduit intégralement conforme à l'original.